Die neue Mannschaft

Publié le par christophe bouquerel

 

Après ces 8ièmes de finale,  le Bûcheron et le citoyen Lambda sont à leur grande surprise tombés d’accord pour se dire qu’une des équipes qu’ils avaient eu le plus de plaisir à voir jouer était… celle d’Allemagne (ce qui démontre une grande ouverture d’esprit de la part de ces deux supporters français, certes rendus à la curiosité par le désastre anelko-domenechéen, mais assez âgés pour garder souvenir d’une nuit tragique de juillet 82 à Séville et sentir encore parfois leurs vertèbres craquer sous le coup de genou d’un assassin nommé Schumacher). 

C'est que la Mannschaft a bien changé. Ces deux Français aiment la regarder pour deux raisons différentes mais sans doute liées. Bûbûche d’abord parce qu’elle pratique un jeu toujours aussi bien organisé mais plus subtil, plus fluide, plus « latin » qu’auparavant. Et Lambda parce qu’elle paraît enfin refléter la diversité ethnique et culturelle de la nouvelle société allemande. http://www2.pictures.zimbio.com/gi/Germany+v+England+UEFA+European+U21+Championships+IMR11dpnhFHl.jpgLe joueur emblématique de ce renouveau, celui qui incarne à la fois la fluidité du jeu et l’ouverture culturelle, s’appelle d’ailleurs Mesut Özil. D’origine turque comme son nom l’indique, mais né à Gelsenkirchen, il joue en Allemagne comme la plupart des autres membres de l’équipe, au Werder de Brême. Ce jeune homme de 22 ans apporte une décontraction, une élégance dans le toucher de balle qui a rarement fait partie du bagage technique des gauchers germaniques. Peut-être faudrait-il remonter à Günter Netzer, génial meneur de jeu de la fin des années 70 qui avait déjà quelque chose de très peu « allemand », mais lui dans la dinguerie caractérielle. Özil sera-t-il le Zidane de l’Allemagne 2010? Encore un peu tendre peut-être (il arrivera à maturité en 2014)? Mais son parcours est prometteur. Surtout que, lorsque l’on consulte la liste de l’équipe allemande, on lit les noms de Denis Aogo, Jérôme Boateng, Serdar Tasci, Sami Khedira, Marko Marin, ou, mieux encore, Jéronimo Cacau et Mario Gomez (le premier étant né à Santo Andre au Brésil mais le second à Riedlingen en Allemagne) !!! Et tous ces parfaits Allemands, je veux dire ces grands bruns aux yeux noirs, ont l’air de très bien s’entendre sur un terrain avec Tomas Müller et  Lukas Poldoski. D’ailleurs, ajoute Bûche, les quatre buts marqués aux malheureux Anglais sont des modèles à la fois de vista individuelle et de jeu collectif. On pourrait parler aussi du dandysme peu teuton et du regard élégamment mélancolique de l’entraîneur Joachim Löw, qu’on imaginerait plus volontiers officier à la Schaubühne de Berlin que sur la pelouse d’un terrain de foot. Bref, cette équipe-là a de la classe et du sens. La meilleure preuve en est qu’elle est insultée régulièrement par le NPD, le parti néo-nazi de Klaus Beier.

Bûcheron, qui a la mémoire longue en matière de football se souvient d’avoir lu dans l’Equipe en 1998, au lendemain du triomphe black-blanc-beur, et alors qu’une Mannschaft en déclin avait été sortie piteusement avant même la revanche de la demi-finale, que les Allemands nous enviaient la capacité de notre système de formation à intégrer les talents issus de notre diversité dans une équipe harmonieuse et forte.  Douze ans après, l’élan s’est inversé. Les Allemands ont su fabriquer leur renouveau, tandis que notre modèle paraît grippé, dans le football et ailleurs. Les Bleus de 2010 sont toujours composés de joueurs d’origines différentes, cela énerve toujours autant les représentants successifs de la famille Le Pen, mais les différents groupes qui composent l’équipe paraissent s’être figés dans des clans. Rien ne circule plus entre eux, ni le ballon entre leurs pieds, ni l’esprit entre leurs âmes.  Mais, demande Lambda, pourquoi l’équipe nationale serait-elle différente de l’ensemble d’un pays, enlaidi pendant la préparation de cette coupe du monde non seulement par des matches calamiteux mais aussi par un débat ringard sur son identité, dont ni les présupposés ni la conduite ne reflètent ce qu’il est vraiment aujourd’hui?

En football comme ailleurs, la diversité n’est un avantage que lorsqu’elle est sous-tendue par un projet commun. A quoi l’on peut éventuellement donner le nom de fraternité. Ou, s’il paraît trop généreux, se contenter de celui d’instinct de survie. Il y en avait à revendre en 1998 (« I will survive » beuglé en chœur dans les vestiaires des «Yeux dans les bleus »), il en restait encore en 2006 (la phrase fétiche lâchée par Zidane  « vivre ensemble ou mourir ensemble »). Et dans l’équipe d’Anelka et de Domenech, c’était quoi, la chanson, c’était quoi, la phrase fétiche ? Peut-être leurs spécialistes en communication leur en avaient-ils concocté une mais le public n’a eu ni le temps ni le désir de l’entendre. Non, pas beaucoup de fraternité dans cette équipe-là ! En voit-on beaucoup plus dans la France de Sarkozy et de Besson ? Peut-on demander à des footballeurs de rester fidèles à une valeur dont le reste de notre société se détourne?

Allez, prenons plaisir à voir les Allemands jouer leur beau football. Surtout que, samedi, pour la revanche d’un quart de finale qui avait fini il y  a quatre ans en bagarre générale, se dressent devant Mesut Özil et ses petits Kameraden la défense de fer des gauchos et les éclairs des génies lilliputiens de l’Argentine…

 

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