Shutter Island
Sûrement pas le film le plus personnel de Martin Scorsese mais un exercice de style brillant et un hommage au film noir des années 50 : un duo de flics virils se retrouve coincé sur une île abritant un hôpital psychiatrique dont une des malades a disparu, en butte à l’hostilité des matons et aux agissements mystérieux d’un médecin inquiétant par son ouverture d’esprit même…
Pourtant, j’ai eu du mal à rentrer dans le film : trop efficace ?
Je n’ai été happé que dans le dernier tiers. A partir du moment où le spectateur est clairement confronté à deux choix possibles : soit Teddy Daniels, le policier joué par Léonardo Di Caprio, se trouve face à un complot ourdi par une organisation paraétatique qui tente de le faire passer pour fou afin de couvrir les expérimentations criminelles menées sur les malades, soit il est vraiment fou. Et nous mettons une énergie aussi désespérée que la sienne à préférer le plus longtemps possible la première solution. Tout nous y pousse, et notamment notre culture cinématographique ou télévisuelle. Scorsese sait bien que le spectateur américain, au moins lorsqu’il se trouve dans le cocon régressif de la salle obscure, se rangera spontanément du côté de l’individu contre l’Etat, de celui qui crie au complot contre ceux qui le nient. Le réalisateur joue en virtuose de notre paranoïa, pour nous amener peu à peu à douter de nos réflexes et à remettre en cause le point de vue du héros. Car nous sommes tous des spectateurs américains façonnés par soixante ans de théorie du complot : une bande d’irréductibles et voluptueux paranoïaques en puissance.