Meeting Masséra

Publié le par christophe bouquerel



J’ai assisté aux quelques représentations de ce spectacle de Jean-Pierre Vincent d’après Masséra au Théâtre de la Cité Internationale. C’était très intéressant.
Jean-Charles Masséra est un auteur d’autant plus à la mode sur nos scènes qu’il n’écrit pas de théâtre. Il est le sociologue qui convient à notre époque : ne proposant ni pensée ni dogme mais se contentant de laisser jouer le langage du pouvoir pour débusquer ce qu’il peut avoir de dérisoire et de menaçant. Avec la jubilation ironique que devait éprouver au 18ième siècle un Voltaire à parodier le langage des Jésuites et des Inquisiteurs pour mieux dénoncer sa vacuité et leur pouvoir.
Jean-Pierre Vincent, de son côté, aime travailler sur des textes a priori non théâtraux mais qui permettent de poser le problème du politique  (je me souviens, il y a deux ans, de son austère « Silence des communistes »  d’après la correspondance de militants italiens). Il a fait travailler ici une dizaine de comédiens sur des extraits de A cauchemar is born  et United emmerdements of new order.
Le spectacle démarre très fort : dépêches d’agence de l’année 2016 racontant une opération aérienne de la Chine et son allié l’Irak sur la France ! Renversement burlesque très efficace. Puis on enchaîne sur les difficultés des autorités d’un canton suisse à enrayer l’immigration sauvage de campeurs français. L'art de Masséra consiste à faire exploser de l’intérieur les différents langages des institutions, des media, du droit, de la politique, du marketing, toute cette « novlangue » des communicants qui tente de jeter un voile d’ordre sur le désordre du monde qu’ils « gèrent ». Décalage de la situation, collision entre le langage «officiel » et le langage quotidien, qui permettent de faire surgir un peu de réel dans les failles des discours : ainsi le « haut commissariat aux réfugiés » devient le «haut commissariat aux personnes emmitouflées, épuisées et chargées de sacs en plastique». Beaucoup d’extraits se déroulent dans un canton de Vaud tentant de réglementer des invasions de boat people haut savoyards et de masseuses tyroliennes : une « Suisse » burlesque et inquiétante qui devient la parfaite métaphore de l’Europe de Schengen.
Ces textes non-théâtraux sont mis en scène avec élégance et efficacité, dans un dispositif scénique simple (les quelques tables d’une salle de conférence), ce qui met en valeur l’interprétation précise des comédiens (certains comme Alain Macé par exemple, m’ont paru excellents).
Pourtant, après un début en fanfare, j’ai ressenti une certaine lassitude. Textes aux situations trop semblables, jeu sur le langage qui repose beaucoup sur la répétition. La parodie, qui doit se savourer comme une sardonique gourmandise à la lecture, devient un peu lassante sur la scène.
C’est pourquoi j’attends avec impatience ce que va faire Benoît Lambert de We are l’Europe. Dans ce texte nouveau, matériau écrit pour la scène, Masséra ne s’attaquera plus aux langages institutionnels mais aux dérapages incontrôlés de nos conversations de «mecs » et de « nanas » ordinaires. Ca risque de faire encore plus mal…
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N
<br /> Bonjour, C'est drôle que vous parliez de JC Masséra.<br /> Je l'ai eu comme prof aux Beaux-Arts de Reims. Cela remonte à plus de 10 ans.<br /> J'ai donc lu votre article avec intérêt.<br /> Bonne journée à vous.<br /> <br /> <br />
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C
<br /> Je savais qu'il s'intéressait à l'art contemporain mais pas qu'il avait été prof. J'imagine qu'il devait être intéressant dans la déconstruction des discours sur l'art, ceux des autres, le sien,<br /> celui de ses étudiants?<br /> Amicalement<br /> <br /> <br />
P
<br /> ça donne envie!<br /> Merci Christophe<br /> <br /> <br />
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C
<br /> Je crois que ça commence le 18 novembre.<br /> Moi j'y serai le 26.<br /> Si tu vas voir le texte de présentation du spectacle, je crois que tu seras intéressée, parce qu'il a des résonnances avec ton deuxième projet.<br /> <br /> <br />