L'exercice de l'état

Publié le par christophe bouquerel

Deux films sur la politique actuellement à l'affiche : l"un américain de Georges CLOONEY, Les marches du pouvoir, l'autre français de Pierre SCHOELLER, L'exercice de l'état. Les deux titres se mélangent dans mon esprit mais les deux oeuvres ont l'air si différentes que j'ai décidé d'aller voir les deux.

 

http://www.filmosphere.com/wp-content/uploads/2011/10/lexercice-de-letat-affiche-200x200.jpgLe film français est très "exotique" et anxiogène : il nous plonge dans la tribu féroce qui peuple les cabinets ministériels de notre République. On suit l'itinéraire d'un ministre des transports, Bertrand Saint-Jean (et de son équipe rapprochée), qui va être amené à réaliser une réforme libérale -privatiser les gares- qu'il refuse au départ. Quelle drôle de vie stressante et pas drôle on mène sous ces lambris : elle paraît complètement déconnectée du réel, qu'elle ne rencontre que dans de brèves et violentes confrontations. Des scènes d'accident, à tous les sens du terme, filmées avec un réalisme saisissant. Evènements choc mais qui n'amènent aucune prise de conscience.

 

L'interprétation est passionnante, celle d'Olivier GOURMET en ministre, mais aussi celle de Michel BLANC en directeur de cabinet. La complexité de la relation entre ces deux solitaires est l'une des richesses du film. Celui qui paraissait être le plus sincère, le ministre, finira, au nom de son ambition, par sacrifier ses principes; l'autre, qui paraissait au début, n'être qu'un monstre froid d'effacité, un parfait énarque, se révèlera le seul à tenter encore de rester fidèle à sa conception de l'Etat. La tête que s'est faite Michel BLANC, ses cheveux totalement ras et sa dignité glacée : inoubliable. Un rôle secondaire, mais l'un des plus beaux de sa carrière?

 

 

 


 

Des scènes étonnantes : l'ouverture onirique, culminant dans cette image étrange d'une femme nue avalée par un crocodile, où l'on explore l'imaginaire asphyxiant (ou asphyxié?) du ministre, les deux accidents, la soirée alcoolisée dans la caravane du chauffeur.

 

Mais celle qui m'a le plus marqué est l'une des plus classiques : Gilles, le "dir' cab'", dîne en privé au ministère avec un autre haut fonctionnaire, qui s'apprête à accepter sa nomination dans le privé. Tous les deux discutent -avec une belle véhémence, enfin!- de l'Etat, de ce qu'il en reste. "Une vieille godasse qui prend l'eau de partout" -"il nous reste quelques prérogatives". L'une des rares scènes où ces personnages qui font au quotidien l'exercice de l'état lèvent la tête et réfléchissent -avec nous, les spectateurs- sur cette entreprise à peine concertée de démolition qui est en train de se passer sous nos yeux. Ou au dessus de nos têtes. 

 

Un film âpre, qui regarde la politique sans l'idéaliser, à hauteur des hommes qui la font. De leur énergie et de leur stress souvent si mal employés.

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Ce n'est pas exactement, à mon avis, un "itinéraire" qu'on suit (on ignore d'où "vient" le ministre et quelle sera sa destination finale). Je dirais qu'on assiste à une partie de trajet en<br /> tâtonnement dans un labyrinthe, si je devais reprendre l'image "transportesque" vue un peu partout sur les blogs...<br /> D'accord avec la qualité de la "représentation" donnée par Michel Blanc (efficace, dévoué, intransigeant)... quoique, finalement, ce n'est pas lui qui part (serait-il revenu sur sa décision<br /> initiale?), mais son départ qui est imposé "d'en haut"...<br /> (s) Ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
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